dimanche 25 février 2018

Apparition au jardin

Les oiseaux chantent à nouveau dans le jardin. Et je lève les yeux de mon ouvrage pour les observer. C'est toujours un moment suspendu : je cherche leur nom puis les observe avec attention. Les oiseaux m'obligent à revenir à l'instant présent et à la vie.




Christian Bobin, lui, lève souvent la tête et se fait happer par le spectacle d'un oiseau, mais c'est souvent pour l'intégrer à sa poésie, pour en faire un personnage de son histoire. Il  raconte, dans une  de ses chroniques dont il a le secret sa lecture d'un vieux livre du XVIIe siècle, interrompue par cette apparition :

"Au milieu de ma lecture, je lève la tête vers le jardin à l'instant où un geai au bleu secret se pose sur une branche du chêne - autre scène de visitation. Les geais sont les oiseaux les plus éveillés de la forêt. Leurs cris préviennent les autres bêtes de l'approche d'un intrus. Une légende dit que ces cris intempestifs ont guidé les soldats romains vers le Christ au mont des oliviers. La légende est mauvaise fille : il n'y a que merveilles dans ces porteurs de bleu. Laissant souvent tomber de leurs becs les grains dont ils se nourrissent, ils ont ensemencé la France de féeriques forêts de chênes."




Hier, j'ai observé un long moment huit tourterelles perchées sur le toit d'un immeuble, non loin de chez moi. Je me suis demandé ce qu'elles faisaient, étaient-elles en train de former des couples ? Et je suis tombée par hasard un peu plus tard sur un autre moment suspendu de Chritian Bobin :
"Ce matin, j'ai vu six tourterelles perchées sur le tilleul, et la chance a voulu que cette scène soit découpée par les montants de la fenêtre. Elles étaient comme illuminées de silence. Chacune était sur sa branche avec autour du cou comme un demi-collier noir, à la fois très chic et très sobre. Chacune regardait dans la même direction et paraissait attendre quelque chose, et cela abolissait la distance entre le jour et la nuit. Elles étaient comme les gens d'un village qui seraient sortis sur le pas de leur porte pour attendre le passage d'un cortège princier. J'étais le septième là-dedans. Nous étions sollicités par la même claire et petite énigme. Nous attendions quelque chose qu'on aurait dû nous annoncer, d'à la fois inhabituel et de rare. J'ai senti que l'arbre lui-même était pris dans la même attente. Je n'avais jamais assisté à quelque chose de cet ordre-là. Evidemment, dans le visible, il ne s'est rien passé, aucun cortège n'est arrivé, mais j'en ai éprouvé une paix inimaginable."




Toutes ces aventures d'oiseaux m'ont rappelé cette phrase de Marguerite Yourcenar, qui prend tout son sens pour moi en alliant les oiseaux aux étoiles :

"Quand tous les calculs s'avèrent faux, quand les philosophes eux-mêmes n'ont plus rien à nous dire, il est excusable de se tourner vers le babillage fortuit des oiseaux, ou vers le lointain contrepoids des astres." Marguerite Yourcenar (Mémoires d'Hadrien)


dimanche 18 février 2018

Où se trouve le calme ?


Le maître zen

Un maître zen est invité à la télévision. L'émission est en direct. Sur le plateau, dans les coulisses, à la régie, c'est l'effervescence. L'animateur plaque fiévreusement sur son crâne une mèche rebelle, parle dans son téléphone portable, lance à un collaborateur :
"Bertrand, n'oublie surtout pas le générique !... Et l'éclairage ? Je veux que mon invité soit en plein sous les spots !"
Enfin, tandis que les dernières secondes s'égrènent avant que l'émission ne commence , le présentateur s'assoit face au maître zen et lui souffle :
"Pas trop nerveux, avec toute cette excitation autour de vous ?"
_ Non, dit paisiblement le maître zen. En dehors de cette agitation, tout est calme."




Cette histoire est racontée par Jean-Claude Carrière et elle illustre bien cette idée du calme intérieur de ceux qui ont réussi à rejoindre leur nature profonde. Quelque part, au fond de nous, le calme règne mais il n'est pas facile de se connecter à cet espace-là.
Ces deux haïkus nous en parlent et il me semble que leur lecture attentionnée me rapproche de ce calme intérieur.

Sous l'écume de la surface
le fond de l'eau est tranquille.
Ainsi l'esprit de l'Eveillé.



On s’assoit sans rien dire, on ne fait rien, 
et pourtant le printemps arrive 
et l’herbe pousse toute seule. (Basho)  




"Le remède à tous les maux de la vie se cache dans les profondeurs de la vie elle-même, dont l’accès nous est rendu possible lorsque nous sommes seuls. Cette solitude est un monde en soi, plein de merveilles  et de trésors dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Ce monde est absurdement proche et pourtant si incroyablement distant." (Rabindranath Tagore) 


dimanche 11 février 2018

Conférence : Histoire de naissance

"Je ne suis pas le produit de mon histoire - mes parents, mon enfance, mon développement. Ceux-ci sont des miroirs dans lesquels je peux saisir des aperçus de mon image." James Hillman

Notre naissance sera toujours un sujet d'interrogations : pourquoi cette famille, pourquoi ce moment-là, pourquoi cela s'est-il passé ainsi, pourquoi ai-je eu cette enfance-là ?

Une conférence vivante et passionnante sur notre histoire de naissance est venue nous éclairer. Grâce à Dominique Georges, nous en avons appris un peu plus le 1er février au centre d'astrologie.




Comment ce qu'ont vécu nos parents, ce que nous avons vécu avant, pendant et après notre naissance nous a influencé dans notre vie future ?
Et comment, en devenant conscient de ce qui s'est joué pour nous et autour de nous à ces moments-là, nous pouvons vivre mieux et éviter bien des douleurs, des répétitions de situations ou tout simplement nous accepter tel que nous sommes nous sentir bien.
Sa méthode est très pragmatique : elle nous pose des questions sur ce qui entourait notre naissance : comment était notre milieu de naissance, nos parents, leur relation, comment nous avons été conçu, comment s'est déroulée la grossesse, l'accouchement et notre début de vie. Puis elle relit notre histoire en portant l'attention sur ce qui a pu conduire au (x) problème(s) que nous avons aujourd'hui et très souvent, ces liens permettent de mieux  comprendre ce qui se joue en nous.

Lorsque ce processus ne suffit pas, elle propose également des constellations qui mettent en scène les situations problématiques auxquelles nous avons été confrontés autour de notre naissance et cette démarche donne aussi de très bons résultats.


"Une vérité qui dérange est toujours préférable à un mensonge qui fait du bien." Thomas Mann





Nous avons beaucoup apprécié le pragmatisme de cette approche, les nombreux exemples qui émaillaient la conférence dans lesquels tout le monde s'est retrouvé à un moment ou un autre et la belle humanité de Dominique Georges.
Vous pouvez vous renseigner sur son travail sur son site : http://www.dominiquegeorges.com

Voici une citation de Lise Bourbeau, avec qui Dominique Georges a travaillé :


"Nous avons tous la même mission en venant sur cette planète : celle de vivre des expériences jusqu'à ce que nous arrivions à les accepter et à nous aimer à travers elles.
Tant qu'une expérience est vécue dans la non acceptation, c'est à dire dans le jugement, dans la culpabilité, la peur, le rejet ou tout autre forme de non acceptation, l'humain s'attire les circonstances et les personnes qui lui font revivre cette expérience."




Et enfin, je ne résiste pas à citer Rumî, le sage soufi et merveilleux poète :
" Quand vous découvrirez sous le voile comment sont les choses en réalité, vous vous répéterez sans arrêt : "Tout ceci n'est certainement pas comme nous pensions que c'était.""

dimanche 4 février 2018

Le culte du moi


Pour parler encore une fois de l'ego et du moi, voici deux histoires racontées par Jean-Claude Carrière : on y voit des moines zen et des rabbins aux prises avec leur ego.




Qui est là ?

Ce conte très célèbre et souvent répété , nous vient du Japon, du bouddhisme zen.
Un disciple, qui voulait voir son maître et lui parler, vint à sa porte :
_ Qui est là ? demanda le maître.
_ Rinzo.
_ Va-t-en ! s'écria brutalement le maître.
Il accompagna même cet ordre d'une insulte. 
Rinzo s'en alla sans comprendre, revint quelques heures plus tard et frappa de nouveau, mais plus timidement, à la porte.
_ Qui est là ? demanda le maître.
_ Rinzo...
_ Va-t-en !
Et le maître ajouta quelques insultes méprisantes.
Rinzo s'en alla, très attristé et désemparé. Il passa toute la nuit à souffrir et à réfléchir. A l'aube suivante, les yeux gonflés, le coeur incertain, il alla une troisième fois frapper à la porte du maître, qui demanda :
_ Qui est là ?
_ Personne..., répondit faiblement le disciple.
_ Ah Rinzo ! dit alors le maître. pousse la porte, entre !





La deuxième histoire nous vient d'Israël.

Auto-dénigrement

Le culte du moi, si répandu, commence très souvent par le dénigrement de soi-même. Ainsi le montre cette histoire juive contemporaine, qu'on raconte aujourd'hui en Israël.
Trois rabbins sont assis à l'arrière d'un taxi. Le premier soupire et dit : 
_ Quand je pense à Dieu, je me dis que je suis vraiment très peu de chose.
Le second rabbin dit au premier :
_ Si toi, tu es très peu de chose, alors qu'est-ce que je suis ? Je ne suis rien.
Le troisième rabbin dit au second :
_ Si toi, tu n'es rien, alors qu'est-ce que je suis ? Je suis moins que rien ! Je suis au-dessous de tout !
Le chauffeur de taxi, qui est noir, se retourne à ce moment-là et leur dit :
_ Mais si vous parlez de cette manière, si vous dites que vous n'êtes rien, que vous êtes même moins que rien, alors qu'est-ce que je suis, moi ? Il n'y a même pas de mot pour me décrire ! Je n'existe pas !
Les trois rabbins se regardent et disent alors :
_ Mais pour qui il se prend, celui-là ?