dimanche 24 avril 2016

L'hôte invisible


Il est étonnant de prime abord de constater qu'un hôte est aussi bien celui qui accueille que celui qui est accueilli.

Ce qui veut dire qu'il faut "voir en l'autre nous-mêmes comme l'étranger", comme tous les étrangers (Ben Okri). "L'autre, l'étranger, toujours à reconnaître, toujours à inventer, comme un manque en nous de la part de nous qui est dans tous les autres, comme un manque en tous les autres de leur part qui est en nous." ( Emmanuel Hirsch).

Voir l'étranger comme un autre nous-mêmes, jusqu'à quel point ? Voici un conte sympathique sur l'hospitalité ou l'importance d'exister aux yeux des autres :

Le moucheron et l'éléphant



On raconte qu'un moucheron installa un jour sa demeure dans l'oreille d'un éléphant. Ce petit être-là (il s'appelait Zouzou) était parmi son peuple estimé comme un sage. Il avait longtemps étudié la philosophie moucheronne, affiné ses sens à l'abri des futilités de son temps, nourri patiemment son esprit, en bref quand il daignait parler on ouvrait grand les yeux, la bouche, on prenait des notes hâtives et on les apprenait par cœur. C'est assez dire quelle était l'éminence de son savoir.

Evidemment Zouzou le sage ne s'était pas établi là, dans l'oreille pachydermique, sans les rituels exigés par le respect de toute vie. L'éléphant était, certes, énorme, mais il était comme nous tous un enfant de la Terre-Mère, donc notre frère bien-aimé. C'était l'opinion de Zouzou. Voilà pourquoi il s'avança, dès qu'il eut posé son bagage, sur la cime d'un poil follet et, s'adressant à l'animal occupé à brouter un arbre :
_ Mon cher éléphant, lui dit-il, je suis Zouzou le moucheron. On m'honore du nom de sage. Si ma présence te déplaît, je te prie de m'en informer.
Il se tut, se tint receuilli un long moment, les yeux fermés.
_ Ton silence, dit-il enfin, me semble empreint de bienveillance.
Il s'inclina profondément et alla ouvrir ses volets. Il ignorait évidemment que son discours s'était perdu dans l'austère forêt poilue qui environnait sa demeure. Il va de soi que l'éléphant n'en n'avait rien perçu du tout. Il ne soupçonna même pas la présence du locataire qui avait chez lui son logis. Si bien que Zouzou vécut là dans la tranquillité des simples, assuré de la protection de son formidable grand frère autant que de l'amour de Dieu.



Après dix années sans souci, il dut quitter son ermitage. Obligations professionnelles. Une fameuse faculté de sagesse expérimentale, aux Amériques moucheronnes, l'invitait à parler de lui et de son parcours de haut vol.  Il referma donc ses volets, fit ses bagages, et sur le seuil :
_ Éléphant, dit-il, si je pars, c'est à regret, sache-le bien. Ton hospitalité fut en tous points parfaite, mais je dois m'exiler loin de toi, c'est ainsi. Depuis ma lointaine arrivée je sais qu'une amitié secrète s'est entre nous épanouie. M'oublieras-tu ? Je ne crois pas. Toi, tu resteras dans mon cœur. Adieu mon frère, mon ami.
Il attendit une réponse. Elle vint. Elle sonna haut et fort. Zouzou en fut ému aux larmes. L'éléphant barrit puissamment pour appeler une femelle à venir au bain avec lui. Zouzou venu, Zouzou parti, quoi de neuf chez lui ? Rien, la vie."

Raconté par Henri Gougaud dans Le livre des chemins d'après un conte soufi


dimanche 17 avril 2016

Se connaître grâce à l'astrologie



"Trop d'hommes auront vécu au fil de leurs instincts, de leurs émotions, ou bien des traditions et des coutumes de leur société, sans jamais avoir fait un vrai choix, sans jamais avoir eu l'intelligence émue par la beauté du savoir, le coeur saisi par la joie du don. Ils auront connu des petits plaisirs mais pas de grandes joies. Ils auront vécu des amours rassurantes, mais jamais ceux qui déchirent le cœur et l'agrandissent aux dimensions du monde. Ils auront mangé à leur faim, mais pas connu l'extase de l'âme face au Beau et au Vrai. Ils auront appris un métier et gagné leur vie, mais sans doute jamais découvert l'activité qui aurait pu les mettre dans l'enthousiasme. Et lorsqu'ils mourront, ils demanderont : "A quoi bon vivre ? L'existence n'avait aucun sens ! Où est-il, le bonheur auquel j'ai parfois aspiré ? Où est-il, l'amour que j'ai désiré ? Où est-elle, la vérité dont on m'a parlé ? Qu'en est-il de la vie dont j'ai rêvé lorsque j'étais enfant ?
Alors, on lui répondra :
"Tu avais en toi un esprit qui pouvait donner un sens à ta vie, te conduire au bonheur et à l'amour véritables, te mener vers la vérité et et faire vivre tes rêves... mais tu l'as ignoré..."
Frédéric Lenoir dans L'âme du monde




Nous disposons d'une connaissance ancestrale pour découvrir qui nous sommes, quel sens donner à notre vie et comment nous diriger vers la vérité et vivre nos rêves : c'est l'astrologie.
En nous donnant notre carte routière pour la vie, elle nous indique le chemin que nous pouvons suivre. Libre à nous bien sûr de l'emprunter ou pas, de nous en éloigner ou de nous en rapprocher car il n'est pas toujours facile. Cependant, c'est celui qui nous correspond pour utiliser au mieux ce qui nous a été donné à notre naissance, notre potentiel pour vivre sur cette terre.


Voici pourquoi je vous recommande vivement la conférence de Sylvie Lafuente Sampietro du 22 avril à Grenoble : "L'astrologie pour mieux se connaître". Elle nous éclairera sur la carte et le chemin, et sur le sens à donner à notre vie.





dimanche 10 avril 2016

Chemin faisant



Le fil de notre vie est souvent comparé à un chemin que nous devons parcourir, un chemin à découvrir car il n'est pas tracé d'avance. Il peut être difficile, il n'est pas tout droit, mais le suivre sans chercher à tout prix à en atteindre le bout nous conduit vers nous-mêmes et donc vers notre vérité. Ce que nous dit la tradition chinoise :

"Le but n'est pas seulement le but,
Mais le chemin qui y conduit."
Lao-tseu (Tao-Te-King)

Et lorsque nous avons à choisir, le chemin le plus aisé n'est pas nécessairement le meilleur pour nous:

"Ne cherche pas, mon ami,
Ne cherche pas la plaine;
Tu souffrirais
D'une mauvaise souffrance.

Fuis la plaine sans te retourner
Et ne cherche pas la trace d'un chemin.

Monte, même si tu t'essouffles,
Même si tes pieds trébuchent.
Monte encore, monte toujours,
Ne te retourne pas.
Ne regarde pas du côté de l'abîme
D'où vient le vertige.

Monte sans rien fixer des yeux,
Si ce n'est en toi-même
Le soleil qui conduit tes pas."
Marie-Madeleine Davy



Beaucoup de poètes se sont penchés sur ce chemin, celui de notre vie, que nous devons découvrir en avançant et que nous sommes seuls à parcourir :

Voyageur, le chemin
C'est les traces de tes pas
C'est tout; voyageur,
Il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur ! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer.

Antonio Machado


Sur tous les chemins du monde des millions d'hommes nous ont précédés et leurs traces sont visibles. Mais sur la mer la plus vieille, notre silence est toujours le premier.

Carnets d'Albert Camus



dimanche 3 avril 2016

Les signes nés du souffle

Shi Bo la sincérité est la Voie du Ciel. (Confucius, 551-479 av.J-C.)

La calligraphie, pour les Chinois n'a rien d'un exercice de belle écriture, pour un résultat décoratif et soigneux comme nous l'entendons souvent par ici. Ce n'est pas aussi artificiel, c'est une question de souffle. "Le souffle à l'origine de tout, des formes que nous sommes comme des gestes que nous faisons".(Christine Jordis)
"Un Chinois qui s'apprête à écrire est persuadé qu'au moment où son pinceau fait naître sur la feuille fût-ce le plus simple des idéogrammes, le souffle qui le traverse et se matérialise grâce à son bras, ce souffle-là est le même que le souffle primordial et universel par qui naissent, éclosent et vivent tous les êtres sur terre."(François Cheng)

Paysage d'hiver - Kim Jeong Hui





"Calligraphier, c'est à chaque trait recréer le monde.

Le souffle, on ne le retient pas, on en est traversé. C'est pourquoi calligraphie, peinture  procèdent de façon spontanée, sans repentir, sans retouche. Il s'agit  - c'est là l'essentiel -, traçant le trait instantané, de capter le souffle, le rythme, faute de quoi la vie ne passe pas".(Christine Jordis)

"Lorsque Yü-K'o peignait un bambou
Il voyait le bambou et ne se voyait plus.
C'est peu dire qu'il ne se voyait plus;
Comme possédé, il délaissait son propre corps.
Celui-ci se transformait, devenait bambou,
Faisant jaillir sans fin de nouvelles fraîcheurs."
Luo Ta ching cité par François Cheng

"Il faut être soi, au plus près de soi, dans sa singularité. Que cette approche de soi constitue le travail d'une vie, c'est possible, mais après tout, quelle autre solution ?" (Christine Jordis)

"L'art de la calligraphie ne consiste pas à imiter les autres. L'inspiration nous arrive de la nature. C'est d'elle que l'imagination nous vient." (Chusa)

Mais l'art de la calligraphie résulte d'une longue discipline, d'une ascèse quotidienne et d'une façon de vivre :
"La jubilation ne vient pas de la virtuosité, mais de la pratique quotidienne de cette discipline devenue une prière intérieure." (François Cheng)



"Elle a une fonction sacrée comme si écrire , ou dessiner, ou peindre, c'était restituer la magie qui à l'origine était attachée au signe _ au trait". (C. Jordis)
N'oublions pas que l'écriture chinoise s'est constituée à partir d'idéogrammes. "L'écriture chinoise tente d'incarner des idées abstraites par la combinaison des éléments concrets. Tout comme la cosmologie, elle se propose de capter le rapport secret entre les choses et d'établir par là des relations entre l'homme et l'univers vivant par un vaste réseau de signes." (François Cheng)

"Le calligraphe ressuscite toute la puissance imaginaire de signes, il établit un trait d'union entre l'esprit humain et le monde charnel. Tout en laissant s'exprimer les pulsions et les aspirations qui l'habitent, il participe à la Création en fixant les lignes, les formes et les mouvements essentiels de l'Univers vivant, en leur conférant un sens. Il dialogue entre le sujet et l'objet, entre le visible et l'invisible. Pour lui, l'acte de signifier et celui de vivre ne font qu'un." (François Cheng)



L'orchidée de Chusa

Terminons ces quelques phrases sur la beauté de la calligraphie avec Fabienne Verdier. Ses maîtres chinois l'ont initiée à cet art qu'elle a par la suite magnifiquement su révéler en suivant sa propre voie :
"Dans le chaos et l'obscur réside le mystère originel. suis, toi aussi, le principe cosmique pour donner vie à ta création. Comme le Ciel, crée à partir du chaos. Suis ton intuition et débroussaille l'informe pour aller, à travers les formes, au-delà de celles-ci. Transmets l'esprit des choses et n'oublie pas que l'esprit réside aussi dans les montagnes et les plantes; elles ont une âme, et c'est le Ciel qui le leur a donnée. La forme naît de l'informe : il ne faut pas avoir peur du chaos. Prends un pot, par exemple : c'est le vide qu'il enferme qui crée le pot. Toute forme ne fait que limiter du vide pour l'arracher au chaos." (Fabienne Verdier)



Fabienne Verdier

Les livres dont je me suis inspirée pour cet article :
          François Cheng : Et le souffle devient signe - Portrait d'une âme à l'encre de Chine
          Christine Jordis : Paysage d'hiver - Voyage en compagnie d'un sage
          Fabienne verdier : Passagère du silence  - Dix ans d'initiation en Chine