lundi 28 mars 2016

Le souffle des ancêtres

"L'âme, de par son origine et sa destinée, ne trouve sa vraie patrie que dans l'au-delà spirituel  où plonge la nature. La mission de la poésie est d'ouvrir une fenêtre sur cet autre monde, qui est en fait le nôtre, de permettre au moi d'échapper à ses limites et de se dilater jusqu'à l'infini." (Marcel Raymond : De Baudelaire au surréalisme)



"Seul qui a déjà élevé la lyre
jusque parmi les ombres,
peut pressentir et rendre
la louange infinie." 
Rainer Maria Rilke

Si le poète traverse les ombres, que dire des poètes africains, pour lesquels l'ombre et la mort ont toujours fait partie intégrante de la vie ? Voici donc le poème "Souffles" de Birago Diop, 




Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des ancêtres.




Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
Et dans l’ombre qui s’épaissit.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
Ils sont dans le Bois qui gémit,
Ils sont dans l’Eau qui coule,
Ils sont dans l’Eau qui dort,
Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
Les Morts ne sont pas morts.

Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots :
C’est le Souffle des Ancêtres morts,
Qui ne sont pas partis
Qui ne sont pas sous la Terre
Qui ne sont pas morts.


Ils sont dans le Sein de la Femme,
Ils sont dans l’Enfant qui vagit
Et dans le Tison qui s’enflamme.
Les Morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans le Feu qui s’éteint,
Ils sont dans les Herbes qui pleurent,
Ils sont dans le Rocher qui geint,
Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,
Les Morts ne sont pas morts.

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.




Il redit chaque jour le Pacte,
Le grand Pacte qui lie,
Qui lie à la Loi notre Sort,
Aux Actes des Souffles plus forts
Le Sort de nos Morts qui ne sont pas morts,
Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie.
La lourde Loi qui nous lie aux Actes
Des Souffles qui se meurent
Dans le lit et sur les rives du Fleuve,
Des Souffles qui se meuvent
Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure.
Des Souffles qui demeurent
Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit,
Dans l’Arbre qui frémit, dans le Bois qui gémit
Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort,
Des Souffles plus forts qui ont pris
Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts,
Des Morts qui ne sont pas partis,
Des Morts qui ne sont plus sous la Terre.




Ecoute plus souvent
Les Choses que les Etres
La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau.
Ecoute dans le Vent
Le Buisson en sanglots,
C’est le Souffle des Ancêtres.


dimanche 20 mars 2016

Printemps

Célébrons le printemps ! Le voici de retour et avec lui, le jaillissement de la vie.


"Chaque année, un jour de printemps, en pénétrant dans le jardin, je ressens le même choc, la même stupéfaction.
Chaque année, c’est le même émerveillement devant les bourgeons qui éclatent et commencent à éclore ; devant les débuts de feuilles, cette dentelle verte qui décore les branches et tremble sous la brise.
Une fois encore, les jours vont s’allonger ; la lumière et la chaleur revenir. Les feuilles se former, puis les fleurs et les graines. Animaux et végétaux vont exploser de vie et de croissance.
Indifférente aux affaires des hommes, la grande machine de l’univers continue de tourner, inexorable.
Plus que l’océan et les tempêtes, plus que la montagne et ses glaciers, plus que la voûte céleste et ses galaxies, c’est ce petit frisson vert, qui parcourt les arbres et vous surprend un matin de printemps, qui me donne, avec la force de l’évidence, l’impression d’assister au spectacle grandiose qui, depuis quelque douze milliards d’années, agite la grande scène de l’univers."
François Jacob. La souris, la mouche et l’homme




Et les poètes ne sont pas en reste ! 

"Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau.

    Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau !

    Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau."

Charles d'Orléans



  

Et quoi qu'on fasse, il vient, inexorablement.

"Immobile, assis sans rien faire, le printemps vient, l'herbe pousse."

Proverbe chinois



dimanche 13 mars 2016

Soleil sur les murs du collège





La visite de l'horloge solaire de Stendhal fut une nouvelle fois une belle expérience.
Nous en sommes ressortis émerveillés par la richesse de cette oeuvre, par sa beauté et par le témoignage d'un travail considérable qui nous parvient de nos ancêtres.
Nous ne pouvons qu'être admiratifs devant ce magnifique ouvrage.
Nous n'avons plus l'habitude de faire ces calculs compliqués pour obtenir l'heure, le jour, les positions du soleil et de la lune tout au long de l'année. Les machines le font à notre place et lorsque nous découvrons la complexité de ces calculs, nous sommes vraiment étonnés.
Et de plus, ici, les calculs ont été concrétisés par une oeuvre artistique sans équivalent. Pourtant, à cette époque, des horloges mécaniques existaient, le père Bonfa a créé cette horloge solaire pour ses étudiants mais aussi pour montrer au monde cette connaissance des pères jésuites.
Il est bien difficile de transmettre notre enthousiasme, nous ne pouvons que vous encourager si vous ne la connaissez pas, à venir la voir et l'admirer.




Lorsqu'au cours de notre visite, un rayon de soleil est venu éclairer les murs, nous avons pu lire l'heure, avec le signe astrologique dans lequel se trouve le soleil et la maison astrologique du moment de la journée : les passionnés d'astrologie que nous sommes avons été fous de joie.
J'ai déjà évoqué toutes les informations fournies par l'horloge, très complètes et pour certaines, pas faciles à décrypter pour nous. Il est vrai que tous ces calculs sont faits aujourd'hui par les machines et que nous avons tendance à oublier que tout ceci nous vient de l'observation du ciel. C'est aussi pourquoi nous allons régulièrement observer le ciel étoilé !
Rajoutons que pour cette visite nous avions deux guides vraiment complémentaires : Sophie qui nous donnait les informations historiques, scientifiques et pratiques, et Sylvie qui nous guidait pour les données astrologiques et la visite en devenait doublement intéressante.
Une nouvelle fois, nous nous sommes dits que nous avions de la chance d'avoir cette horloge à Grenoble, tout près du centre d'astrologie !




Nouveau trimestre




Un nouveau trimestre s'annonce pour notre association et avec lui, de nouvelles activités à vous proposer.
le 22 avril, Sylvie Lafuente Sampietro nous convie à une conférence vraiment passionnante sur notre place dans l'univers et le sens de notre vie.
Nous partirons loin dans le temps pour comprendre les origines de nos questionnements et nous verrons comment les réponses obtenues nous sont aujourd'hui encore extrêmement utiles. Sylvie Lafuente Sampietro  nous invite à un voyage où le rêve, la beauté et les symboles nous amènent petit à petit à comprendre notre nature humaine et toutes les informations que l'astrologie peut nous apporter.


L'astrologie est une antique psychologie basée sur notre rapport avec le ciel étoilé. Née de l’observation empirique, elle a développé une compréhension unique de notre nature humaine, de notre place dans l'univers et du sens de notre vie. 
Au cours de cette conférence, nous découvrirons comment l'astrologie fonctionne. A quoi peut-elle servir ? Quelles sont les portes qu'elle nous ouvre sur nous-mêmes et sur le monde ?

Inscriptions  par mail : assoc.altair@gmail.com et au local.
Lieu : 1, rue Expilly  38 000  Grenoble

Entrée : 10 € pour les non adhérents 7 € pour les adhérents




Le 10 juin, nous irons comme souvent au début  de l'été, admirer le ciel et les étoiles.
Là encore, nous repartirons à la poursuite de nos rêves et de la beauté, pour mieux nous relier à l'univers.
Une soirée étoilée pour fêter les beaux jours : nous irons en Chartreuse, au-dessus du col de la Placette, admirer les étoiles et les planètes dans le bel endroit où Sylvie Lafuente Sampietro aime à nous emmener.
Nous pourrons admirer la lune proche de son premier quartier et conjointe à Jupiter, Saturne au levant et surtout Mars rétrograde que l’on peut observer durant deux mois tous les deux ans. Au plus près de la terre, il nous apparaît très rouge et plus visible lorsqu’il est rétrograde.
Nous apprendrons à nous repérer dans le ciel, à reconnaître les constellations et nous admirerons les étoiles les plus brillantes comme Véga, Deneb, Altaïr, Arcturus, l'Epi de la vierge et les autres.
Nous monterons en voiture vers notre lieu d’observation et une marche d’approche d’environ 20 minutes est à prévoir ensuite.
Si vous le souhaitez, apportez votre pique-nique, nous prendrons un temps pour manger.
Prévoir également une tenue confortable et chaude car nous serons à 800 m.
Inscrivez-vous par mail : assoc.altair@gmail.com  ou au local.
Rendez-vous à Grenoble à 19h30 (le lieu de rendez-vous sera précisé ultérieurement) ou à 20h30 au col de la Placette sur le grand parking.
Participation libre au chapeau.





Notre bibliothèque va s'agrandir. Nous avons reçu de donateurs très généreux beaucoup de livres sur l'astrologie, la psychologie, la spiritualité. Nous allons les mettre à la disposition de nos adhérents dès que nous les aurons triés, enregistrés et  installés dans un nouvel espace.
De belles lectures en perspective !



dimanche 6 mars 2016

Cérémonie du thé

Toujours fascinée par la cérémonie du thé, je vous livre une histoire, qui, comme celle de Musashi dans "La pierre et le sabre", met en scène un grand maître de thé et un général samouraï.
Nous retrouvons une nouvelle fois l'attention et la concentration extrême que requiert la cérémonie, et la maîtrise de l'énergie que finissent par acquérir les grands maîtres de thé.




"Sen no Rikyû fut le plus grand maître de thé du Japon. Il laissa une si forte empreinte à la cérémonie du thé que sa forme actuelle est encore marquée de son esprit et de son style wabi-sabi. Illustration du dépouillement propice à la méditation, le cha-no-yu tire son origine du monde du zen. C'est un véritable rituel où l'esprit et le corps s'harmonisent pour vivre pleinement l'instant présent. Un moment de recueillement et de communion façonné sous l'influence de grands maîtres zen comme Ikkyû en personne.

Fils d'un forgeron, Katô Kiyomasa était un guerrier intrépide qui s'illustra maintes fois sur les champs de bataille. Sa réputation de stratège redoutable et de seigneur de guerre impitoyable le fit surnommer Ki-shôkan, Général-Démon.Fanatique du bouddhisme de nichiren, il interdisait à ses samouraïs de s'adonner à la poésie et à la danse.Il voulait qu'ils se consacrent exclusivement aux arts martiaux et ne tolérait comme passe-temps que la chasse.
Le patibulaire Katô voyait d'un très mauvais œil que son mentor Hideyoshi se fût entiché de Sen no Rikyû et pratiquait assidûment avec lui la cérémonie du thé. Le général était ulcéré de constater que la mode de ce rituel grotesque se répandait chez les samouraïs qui étaient de plus en plus nombreux à la pratiquer. 
L'exaspération du bouillant guerrier fut à son comble quand, au cours d'un de ces fameux sha-no-yu auquel il était obligé d'assister, le régent dit aux généraux présents :
_ Observez bien mon maître de thé. Quand il accomplit le rituel, il est pareil à un grand samouraï sur le champ de bataille. il n'y a aucune faille dans sa concentration !
C'en était trop !
Ce fils de marchand de poissons comparé à eux qui risquaient leur vie pour leur seigneur ! Décidément, ce Rikyû avait tourné la tête du taïko ! 




Le général-démon décida que, pour le bien du pays, il allait faire disparaître le maître de thé. Il s'arrangerait pour l'assassiner secrètement car si Hideioshi l'apprenait, il ne lui pardonnerait jamais. Il eut l'idée de se faire inviter seul, prétextant qu'il désirait l'entretenir d'une affaire délicate de la plus haute importance.Le sha-no-yu se tient généralement dans un cabanon évoquant la hutte d'un ermite, au cœur du roji, le sentier de rosée, le nom poétique du jardin de thé.Cet endroit isolé était devenu le lieu propice aux conversations confidentielles.C'est ainsi que cette tête brûlée de Katô, en bon stratège, avait ourdi son piège.
Le général fut accueilli au portail du roji par Rikyu qui, avant d'entrer dans le pavillon, lui montra le râtelier où il était d'usage que les invités déposent les armes. 
_ Permettez-moi de garder mon sabre, un véritable samouraï ne s'en sépare jamais !
L'hôte se contenta de sourire et de répondre :
_ Pour vous, nous ferons une exception.
Après avoir passé la porte étroite du cabanon où il fut obligé de s'arc-bouter à contrecœur, le fier général s'assit à la place d'honneur, non loin du foyer où ronronnait la bouilloire. Il déposa son katana  sur le tatami, à sa gauche, et guetta le moment propice pour le dégainer et faucher la tête de son hôte. Rikyu ayant fini d'apporter les ustensiles, était maintenant en train de les purifier avec l'eau chaude, à portée de sabre. Quand Katô fut sur le point d'empoigner son arme pour faire siffler la lame, un rugissement effroyable immobilisa son geste. Le maître de thé avait renversé brusquement la bouilloire sur les braises et un jet de vapeur brûlante fit bondir le samouraï hors du pavillon de thé. Il entendit alors la voix de Rikyû :
_ Veuillez me pardonner, Messire, pour ce malheureux accident dû à un moment d'inattention de ma part. Je suis en train de nettoyer votre sabre qui est couvert de cendres !
Très impressionné par le niveau de perception et le sang-froid du maître de thé qui avait non seulement deviné son intention mais réussi à le désarmer, le Général-Démon renonça à son funeste dessein. Le favori du régent remonta dans son estime et il se mit lui aussi à le fréquenter avec plaisir, à tel point qu'il devint à son tour un adepte du sha-no-yu et un grand collectionneur de bols raku !
Au soir de sa vie, il alla même jusqu'à composer des poèmes !"




Inspiré des Contes des sages zen de Pascal Fauliot (Le maître de thé et le Général-Démon)