dimanche 30 mars 2014

Musique ancienne





Un reportage entendu récemment sur les lithophones a éveillé en moi une grande curiosité. On y montrait des pierres cylindriques aux bouts arrondis datant de 4500 à 10 000 ans.
Découvertes en Ethiopie, elles étaient gardées précieusement dans les réserves du musée d'histoire naturelle quand  des chercheurs ont découvert qu'il ne s'agissait pas de pilons mais sans doute d'instruments de musique.
En effet, posées sur de petits supports, elles émettent un son qui ressemble à celui des cloches d'airain lorsqu'on les frappe.
Il nous faut donc imaginer que nos ancêtres dessinaient dans leurs grottes mais qu'ils  faisaient également de la musique et l'écoutaient.
"La musique pénètre à l'intérieur de l'âme et s'en empare" disait Platon. Les hommes qui ont fabriqué ces lithophones faisaient-ils des concerts pour leurs semblables à l'image de celui qui a été donné avec leurs instruments au Jardin des Plantes ces jours-ci ? Le chant de ces pierres pouvait aussi accompagner des rituels ou des moments importants de la communauté : nous ne le savons pas.
Mais cette perspective nous relie encore un peu plus à eux, les premiers observateurs des étoiles, les peintres des cavernes, qui n'avaient pas encore d'écriture pour communiquer mais avaient déjà l'art pour expression.



D'autres lithophones datant de 3 000 ans ont été découverts au Vietnam en particulier ou encore en Chine ou en Corée. La musique nous accompagne depuis très longtemps et ce n'est pas étonnant puisqu'elle nous touche directement au coeur.

"Mon âme est un orchestre caché; je ne sais pas quels instruments vibrent et jouent en moi, cordes et harpes, timbales et tambours.
Je ne peux me connaître qu’en tant que symphonie."
Fernando Pessoa. Le  livre de l’Intranquillité



dimanche 23 mars 2014

Myrrha



Un soir dernier, nous étions réunis autour de Sylvie Lafuente Sampietro pour examiner les tableaux que nous allions accrocher aux murs du local quand nous sommes tombés sur une très belle reproduction d'un zodiaque égyptien représentant le signe de la Balance.
Sylvie nous a alors raconté l'histoire de Myrrha, très belle artiste dont les oeuvres sont inspirées et pleines de grâce.




Myrrha a beaucoup travaillé et son travail est magnifique, imprégné de la beauté de la nature et des civilisations anciennes. Puis elle est tombée très malade et a dû arrêter pendant longtemps. Elle n'a jamais su se protéger et son oeuvre ne lui appartient pas, elle ne reçoit rien pour les nombreux projets qu'elle a menés à bien. Cependant, elle a repris son travail mais la vie pour elle n'est pas facile. Heureusement, elle a de nombreux amis qui tentent de l'aider au mieux.




Qui soupçonnerait cette difficulté de vivre derrière ses superbes tarots, zodiaques et autres oeuvres qu'elle a réalisées ?




J'aime particulièrement la lumière qui émane de l'intérieur de ses tableaux et cet hymne à l'univers qu'ils nous offrent.
Voici quelques-uns de ses tableaux ou travaux, c'est la meilleure façon de parler d'elle et vous en trouverez beaucoup plus sur le site suivant : http://www.latelierdemyrrha.com.






"Parce que l’Art est un pas effectué du connu visible

vers l’inconnu secret de la Nature, vers l’invisible."

Kalil Gibran




dimanche 16 mars 2014

Un haïku très réussi



Les haïkus sont ces petits poèmes japonais censés renfermer dans leurs dix-sept syllabes, toute l'essence du moment présent, de l'émotion de l'instant et du temps qui passe. S'ils paraissent très simples et semblent représenter le ressenti d'un moment, ils sont en réalité longuement mûris. Le poète cherche à retrouver le souffle du moment et à exprimer l'énergie exacte dans son jaillissement. Voici donc une histoire qui s'y rapporte et qui montre que l'exercice n'a rien de simple et qu'il faut toute la richesse intérieure des maîtres pour arriver au parfait haïku.




Bashô, l'incomparable orfèvre du haïku, avait passé tout l'hiver dans son "ermitage au bananier", d'où il tirait son nom de plume.
Au printemps, Butchô, son maître zen, vint lui rendre visite. Après les salutations d'usage et un bol de thé, le moine et son disciple firent quelques pas dans l'allée pour aller s'asseoir sur des pierres moussues, au bord du miroir d'un étang où le bleu infini du ciel semblait surgir de la terre. Ils restèrent muets un moment, contemplant les kerries en fleurs, immergés dans une paix profonde qu'aucun souffle de vent n'osait venir troubler.
Le visiteur rompit le silence pour demander :
_ Retiré dans ce paisible jardin, qu'avez-vous perçu de la Loi du Bouddha ?
_ Des feuilles sont grandes, d'autres sont petites.
_ Et aujourd'hui ?
_ Après la dernière pluie, les mousses sont encore plus vertes.
_ Et comment étaient-elles avant qu'elles ne poussent ?
A peine le moine eut-il fini de poser sa question que, pichan, une grenouille sauta dans l'étang. Bashô, le visage illuminé par un éveil soudain au mystère du Vide originel, laissa fuser ces paroles limpides :
_ Une grenouille plonge, le son dans l'eau.
Butchô esquissa un sourire, visiblement satisfait par les paroles de son disciple où résonnait l'écho de l'ultime Vérité. Il le salua et traversa le jardin paisible, flottant telle une ombre dans sa robe sombre, pour se fondre enfin dans un bosquet de bambous.




Le lendemain, quand ses disciples lui rendirent visite dans sa masure au toit de chaume, Bashô les fit asseoir au bord de l'étang. Ayant évoqué son dialogue de la veille, il leur proposa de compléter sa dernière réponse pour en faire un haïku.
L'un d'eux voulut philosopher et proposa : 
_ Troublant le silence.
_ Pas assez imagé et un peu redondant, estima le maître.
Un autre disciple crut bon d'évoquer la saison :
_ Sous les kerries en fleur.
Bashô fit la moue.
Un troisième haïkiste, voulant introduire une ambiance, s'aventura :
_ Au soleil couchant.
Le maître secoua la tête et déclara :
_ Tout cela n'ajoute rien de profond.
Puis, après un temps de méditation que personne n'osa interrompre, il récita :


                                            Un vieil étang,
                                            Une grenouille plonge.
                                            Le son de l'eau.

Tous les disciples fermèrent les yeux, hochèrent la tête, savourant l'art incomparable du prince du haïku.



dimanche 9 mars 2014

Une manière d'être libre



Qu'est-ce qu'être humain ? C'est une question qui se pose avec force aux scientifiques et aux philosophes, mais aussi à nous tous, qui nous interrogeons sur le sens de la vie. Avons-nous encore à le découvrir ? C'est ce que nous suggère Ben Okri, poète nigérian de notre époque :




"C'est étrange, parce qu'il semble que sous la surface des combats de notre époque, des guerres fratricides, des antagonismes tribaux, de l'intolérance religieuse, de la violence raciale, de la dysharmonie entre les sexes, nous attend toujours la découverte la plus banale qui soit - que nous sommes humains et que la vie est sacrée.
Nous n'avons toujours pas découvert ce que signifie être humain.
Et il semble que cette découverte banale soit la plus extraordinaire qui puisse être faite, car, lorsque nous aurons appris ce que c'est qu'être humain, nous saurons ce que signifie être libre, et nous saurons que la liberté est réellement le commencement de notre avenir commun."
Ben Okri dans A way of being free (Une manière d'être libre), cité par Jean-Claude Ameisen dans "Les battements du temps".



Il me semble que pour chacun d'entre nous, cette découverte passe par un retour vers soi :

Le temps viendra
où, avec allégresse,
tu t’accueilleras toi-même, arrivant
à ta propre porte
et chacun sourira et souhaitera la bienvenue à l’autre
et dira, assieds-toi là. Mange.
Tu aimeras à nouveau l’étranger que tu étais.
Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton coeur
à toi-même, à l’étranger qui t’a aimé
toute ta vie, que tu as ignoré
qui te connaît par coeur.
Assieds-toi, Fais-toi une fête de ta vie.

(Derek Walcott)





Illustrations :  Reza

dimanche 2 mars 2014

Aphorismes


Ambrose Bierce, auteur américain du XIXe siècle, nous a laissé entre autres textes quelques aphorismes réjouissants. Aujourd'hui, je vous propose de nous amuser avec lui des thèmes de mon dernier article.




Emotion - Maladie terrassante provoquée par une emprise du cœur sur la tête. Elle s'accompagne parfois d'un copieux déversement de chlorure de sodium hydraté par les yeux.

Passé - Partie de l'Eternité dont nous avons la légère et regrettable connaissance d'une petite portion. Une ligne mouvante appelée le Présent la sépare d'une période imaginaire appelée Avenir. Ces deux grandes divisions de l'Eternité, dont l'une efface l'autre en permanence,sont tout à fait dissemblables. L'une est assombrie par le chagrin et les déceptions, l'autre resplendit de prospérité et de joie. Le Passé est la région des sanglots, l'Avenir est le royaume des chansons. Dans l'une se tapit la Mémoire, revêtue de toile à sac et de cendres, marmonnant des prières de pénitence; dans la clarté religieuse de l'autre, l'Espoir vole à tire-d'aile, adressant des signes aux temples de la réussite et aux boudoirs du bien-être. Pourtant, le Passé est l'Avenir d'hier, et l'Avenir le Passé de demain. Ils ne font qu'un - la connaissance et le rêve.



Vie - Condiment spirituel qui préserve le corps de la décomposition. Nous vivons dans l'appréhension quotidienne de la perdre, alors même qu'elle ne nous manque pas quand nous l'avons perdue. La question : "La vie vaut-elle d'être vécue ?" a été beaucoup discutée, notamment par ceux qui pensent que non; nombre d'entre eux ont écrit abondamment pour défendre leur point de vue et, en observant avec soin les règles de l'hygiène, ont savouré durant maintes années les honneurs d'une fructueuse controverse.