dimanche 26 mai 2013

(Re)découvrir la vie


Dans" Marée haute à Tucson", la romancière américaine Barbara Kingslover évoque  la transformation que nous sommes capables de produire en nous pour nous libérer des pensées destructrices.



"Chacun d'entre nous est appelé, probablement de nombreuses fois, à entamer une nouvelle vie. Un diagnostic effrayant, un mariage, un déménagement, la perte d'un travail, d'un membre de la famille ou de quelqu'un d'autre que l'on aime, un diplôme, la venue d'un nouvel enfant : il est  impossible d'imaginer au départ comment tout cela sera possible. Pour finir, ce qui fait tout aller de l'avant, ce sont le flux et le reflux souterrain liés au fait d'être en vie parmi les vivants.
Dans les pires périodes de ma propre existence, je suis sortie du monde terne du désespoir en me forçant à bien regarder, pendant longtemps, une seule chose magnifique : l'éclat d'un géranium rouge devant la fenêtre de ma chambre. Et puis une autre : ma fille dans une robe jaune. Et une autre encore : le contour parfait d'une sphère sombre et pleine, derrière le croissant de lune. Jusqu'à ce que j'apprenne à aimer à nouveau ma vie. Comme la victime d'une attaque réentraîne de nouvelles parties de son cerveau pour retrouver des capacités perdues, je me suis enseigné la joie, encore et encore."



En transformant le paysage de nos pensées, nous pouvons révolutionner notre monde tout entier.

Pour compléter, écoutons le Dalaï-Lama :
"L'avidité, la colère, la haine et l'inquiétude ne sont pas une partie intégrante de notre esprit qui ne peut être changée. Enfants, nous naissons ignorants : c'est naturel. mais cette ignorance peut être dissipée par l'éducation et l'apprentissage. De la même manière, nous pouvons mentalement isoler les états impropres et les résorber. Ensuite, quand le bonheur apparaît, ces états n'ont plus aucun fondement valable."




dimanche 19 mai 2013

Les étoiles du 6 juin

Sans en avoir l'air, le 6 juin arrive très vite et nous avons rendez-vous avec les étoiles ce soir-là. Une belle soirée à laquelle je vous invite à nous rejoindre.
Pour aujourd'hui, Je vous propose de regarder les étoiles avec les yeux romantiques de Lamartine : avec ce poème, nous pouvons déjà nous imaginer au coucher du soleil, prêts à admirer le spectacle du ciel.


Joan Miro - Constellation d'étoiles du matin


Les étoiles (Alphonse de Lamartine)

Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
De l'absence du jour pour consoler les cieux,
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne,
Balayer lentement le firmament obscur,
Où les astres ternis revivent dans l'azur.
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière,
Que cherche par instinct la rêveuse paupière,
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit;
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace,
Les sème en tourbillons dans le brillant espace.
L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois;
Les uns semblent planer sur les cimes des bois,
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles.
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchi de l'écume des mers;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroulent à longs plis leur flottante crinière;
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi,
Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port, d'un rivage lointain,
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin.

De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage,
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge;
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux,
D'autres se sont perdus dans les routes des cieux,
D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse,
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse,
Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés,
Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés.
Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme,
Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme.


Joan Miro - Etoile bleue



C'est exactement ce que nous ferons, ce soir-là : saluer et nommer les étoiles, tout en nous laissant porter par  la beauté et l'immensité du spectacle.

Si vous souhaitez vous joindre à nous, voici les informations nécessaires :



Et si par hasard, le ciel n'était pas avec nous, vous trouverez sur notre site, dans les actualités, l'information utile le 6 juin au matin.

dimanche 12 mai 2013

Exprimer l'essence des formes



J'ai découvert Fabienne Verdier il y a quelques années avec la lecture de son livre : "Passagère du silence". Elle y raconte comment elle est partie en Chine pour un voyage d'étude sur l'art de la calligraphie chinoise, comment elle y est restée au final dix ans, dix ans où elle a appris avec des maîtres chinois à saisir l'essence de la nature pour transcrire le souffle de l'univers à l'aide de ses pinceaux, dix ans d'ascèse et de vie difficile durant lesquels elle a dû lâcher prise à tout ce qu'elle connaissait.
Aujourd'hui, elle reste enfermée durant de longues années pour son travail de création, dans un grand atelier très spécial où elle utilise des pinceaux faits avec des dizaines de queues de cheval qui sont emplis de dizaines de litres d'encre : sa peinture est une danse avec ces énormes pinceaux qu'elle manie dans une inspiration qui a mûri pendant de longs mois dans la contemplation, la recherche et la méditation. Elle est passée depuis longtemps de la calligraphie à des peintures plus colorées et sans rapport avec les idéogrammes  mais toujours avec le désir "d'arriver à absorber la complexité des formes de notre petite terre  et d'arriver à en transmettre l'essence pour nous nourrir intérieurement".




Deux émissions m'ont permis récemment de mieux comprendre ce travail très singulier : une émission de télévision de la collection Empreintes sur France 3 qui lui était consacrée et que j'ai regardée un certain nombre de fois et  une émission de radio ce dimanche : Les racines du ciel où elle a pu expliquer son travail et son lien avec une spiritualité très vivante. Ce chemin spirituel vers la création est très bien expliqué par Fabienne Verdier et en même temps, ce qui se passe lorsque l'inspiration arrive reste toujours un grand mystère.




Dans l'émission Les Racines du ciel, l'exigence intérieure d'être en vérité, en ouverture et en intégrité pour être capable de créer une esthétique nouvelle est illustrée par l'histoire de la controverse entre les Byzantins et les Chinois sur l'art de peindre. Elle est racontée par Rumî, traduit par Leïli Anvar :

Les Chinois disaient : "Nous sommes les meilleurs peintres" et les Byzantins disaient : "Non, c'est nous les meilleurs peintres".
Le roi dit donc : "Je vais trancher, chacun de vous allez peindre votre pan de mur et je dirai lesquels d'entre vous sont les meilleurs". Et donc, il donne à chacun un pan de mur en face à face, avec un rideau. Chacun est caché pendant qu'il travaille. Les Chinois demandent toutes sortes de peintures, plus précieuses les unes que les autres, du lapis-lazuli, de l'or, tout ce que le roi peut leur offrir et ils peignent donc un tableau absolument sublime.
Et pendant ce temps, les Byzantins ne demandent rien. Ils se contentent de polir le mur qui leur a été attribué. Quand les Chinois ont fini, le roi vient voir leur peinture, on enlève le voile, et le roi tombe absolument en stupéfaction devant la beauté de leur oeuvre et dit : "c'est impossible qu'on fasse mieux et probablement, vous allez gagner le concours".
A ce moment-là, on enlève le voile sur le mur des Byzantins, qui n'est rien d'autre maintenant qu'un miroir poli, et le tableau des Chinois se reflète sur le mur des Byzantins, et le roi dit : "Eh bien non, ce qu'ont fait les Byzantins est encore plus beau". Il y a en effet un ajout de lumière dans le fait que la peinture des Chinois est reflétée.

Et Rumî nous dit : " Les Byzantins, mon ami, sont les hommes de la pureté. Sans exercice, sans livre, sans artifice, ils ont poli le miroir de leur cœur, purifié de l'envie, de la cupidité, de l'avarice et de la haine.
La pureté du miroir est la pureté du cœur qui est digne de la forme infinie, cette forme sans forme, sans fin, invisible. Bien que dans l'univers cette forme ne se puisse contenir, ni au ciel, ni sur terre, ni dans la mer, car ces choses sont limitées par l'espace et le nombre, le miroir du cœur lui n'a pas de limites."



vendredi 3 mai 2013

Gaïa la Terre

Cette semaine, un très intéressant article dans Telerama a retenu mon attention. Il nous parle de Gaïa et des théories qui se développent autour de ce concept créé en 1970.
Je me propose de vous résumer l'article, et si ce sujet vous intéresse, je vous conseille de lire l'original.




Gaïa, la déesse, Terre mère redoutable et toute puissante de la Grèce ancienne, est devenue une déroutante hypothèse scientifique, formulée au début des années 1970 par James Lovelock et Lynn Margulis, deux scientifiques anglais et américains. La terre, selon eux, n'est pas une matière inerte. Si la vie a pu y prospérer, c'est parce qu'elle constitue une énorme entité composée d'interactions entre différents écosystèmes, comprenant la biosphère terrestre, l'atmosphère et les océans. Chacune de ses composantes interagit de façon à maintenir un environnement optimal pour la vie. Gaïa est un gigantesque être vivant, capable d’auto-contrôler sa température et la composition de sa surface, selon James Lovelock.
D'abord rejetée, cette hypothèse a repris du galon, surtout parce qu'il devient évident que nous sommes face à des changements environnementaux globaux. La biodiversité se réduit. L'effet de serre augmente. Le climat se réchauffe à très grande vitesse.


Accélération de la fonte de l'arctique


On peut également évoquer l'histoire d'une autre façon avec le nouvel âge géologique, l'anthropocène, popularisé par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie. Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, l'anthropos -l'homme- est devenu la force géophysique qui modifie le plus la planète. En l'espace de deux générations, nous voilà confrontés à l'anthropocène et à l'obligation de prendre en charge la biosphère et l'atmosphère. Nous sommes contraints de repenser l'histoire humaine à l'échelle géologique, à la fois vers le passé et vers le futur, puisque nos émissions de carbone nous engagent pour des milliers d'années : cet éclatement des horizons donne le vertige.

Puis des philosophes viennent à leur tour élaborer une pensée autour de ce nouvel âge.
Et ils nous expliquent pourquoi il est difficile pour nous de réagir et de faire attention à ce qui se passe à l'échelle de la planète. "C'est toute la difficulté du changement climatique; nous ne pouvons en faire l'expérience en tant que tel, car c'est une construction, un grand récit scientifique qui reste déconnecté de la vie quotidienne, en particulier dans les mégalopoles globalisées où conditions et modes de vie nous insensibilisent" nous dit Patrick Degeorges.


Océan de plastique


L'anthropocène est, selon Bruno Latour, le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité. L'anthropocène et Gaïa sont deux concepts élaborés par des chercheurs de sciences exactes, extraordinairement plus en avance sur leur époque que toute une flopée d'intellectuels, de politiques, d'artistes, qui ne s'intéressent qu'à l'histoire des êtres humains, nous dit-il.
On voit là le premier intérêt de Gaïa pour les philosophes : mettre les pieds dans le plat de l'anthropocentrisme, bouleverser l'habitude des modernes de ne parler que d'eux, à travers la nature et tous les non-humains ( animaux, microbes, montagnes...). Les humains ne sont pas le centre de la vie, pas plus qu'aucune espèce. Ils constituent une partie qui croît rapidement dans un énorme tout ancien.

Le philosophe Bruno Latour nous offre des clés pour mieux cerner cette entité étrange qu'est Gaïa. Elle nous conduit surtout à une injonction à repenser la politique, si seulement on prend au sérieux ce que nous dit Gaïa, à l'ère de l'anthropocène.
Le créateur de Gaïa, James Lovelock nous dit qu'elle est en colère et qu'elle prend sa revanche.
Certes il fait appel à une métaphore guerrière pour nous faire (ré)agir, mais est-ce bien de ce type de relation dont nous avons aujourd'hui besoin, se demande Emilie Hache ?
La version de Lynn Margulis lui est généralement préférée : elle nous propose une entité ni protectrice ni malfaisante dans sa relation à l'humanité. Gaïa s'en sortira toujours, qu'on soit là ou non. Elle n'a pas besoin de nous, humains comme non humains. Nous ne pouvons mettre fin à la nature, mais nous pouvons nous menacer nous-mêmes.
L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète.
Bien traiter Gaïa nous oblige à retrouver "l'art de faire attention" et à redevenir sensibles, nous aussi, non pas parce qu'elle serait fragile, mais parce que nous dépendons d'elle pour vivre.
Nous ? L'homme de l'anthropocène est composé d'hommes aux intérêts contradictoires, aux cosmos opposés, des adversaires en guerre. Comme le résume Bruno Latour : "Nous sommes dans Babel après la chute de la tour géante".
La question que Gaïa nous oblige à affronter, c'est quelle politique adopter à l'âge de l'anthropocène ?
"Nous devons identifier nos ennemis et nos alliés, les gens de Gaïa, ceux qui ne se disent pas seulement humains.  Ni la nature, ni Dieu n'apportent d'unité et de paix. Mais les gens de Gaïa, ceux qui se disent Terriens, peuvent peut-être devenir les artisans de la paix."


Bruno Latour


Cette réflexion globale, m'a particulièrement réjouie, même si le monde de Gaïa peut paraître à la fois effrayant et fabuleux.
Je repense aussi, avec cette idée que l'enjeu de l'homme est de se protéger lui-même, à la phrase de mon article précédent : "Maintenant, je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : "Mon Dieu, aide-moi à me changer. Et voilà que le monde change autour de moi".

Cet article de Weronika Zarachovicz est inspiré des Gifford lectures et des interventions de Bruno Latour., philosophe, anthropologue, sociologue français. Des articles très intéressants sur la théorie de Gaïa sont également disponibles sur Wikipedia.